Que s'est-il passé en Périgord ?

Ou Le Cluzeau du Périgord, un piège génial … et mortel !!! -1-


Il y a quelque temps, nous avions évoqué une personnalité incontournable du Monde Souterrain, Serge Avrilleau. (voir mentions bas de page ). Trois sujets successifs seront diffusés concernant le travail de fond mené sur les cluzeaux du Périgord par cet éminent spécialiste. Nous évoquerons un article (à paraître prochainement dans la revue de la SFES " Subterranea" et dans "Spéléo-Dordogne", revue qu'il a créé en 1959 ), et qu’il a la gentillesse de faire paraître au préalable dans nos colonnes. 


Les Cluzeaux 1, les scénarios du passé, par Serge Avrilleau

Nous sommes en l’an 1200 dans la région de Ribérac en Périgord. Dans une forêt, une troupe de pillards s’approche d’un souterrain-refuge où un traître leur a indiqué qu’une famille se cache, avec ses réserves alimentaires et ses petits animaux de ferme. En effet, à l’endroit recherché, un trou béant se présente sous quelques fagots. Dans la pénombre, une torche fumante à la main, un premier téméraire ose s’aventurer dans l’escalier taillé dans le roc qui plonge sous terre. Il descend 5 ou 6 marches, il ne rencontre personne … il avance encore un peu … il est mort !

Que s’est-il passé ?
L’aventurier inconscient, encore ébloui par la lumière du jour, dans une pénombre épaisse, au milieu de la fumée de sa torche, n’a pas vu le petit trou cylindrique de 5 à 10cm de diamètre situé dans la paroi qui lui faisait face, au niveau de son abdomen. Le carreau d’une puissante arbalète provenant de cette meurtrière l’a tué sur le coup, presqu’à bout portant et son corps encombre désormais le passage. L’arbalétrier et ses aides se trouvent dans une salle assez spacieuse d’environ 12m² creusée dans le roc, inaccessible par l’escalier mais seulement par un détour complexe de couloirs coudés en chicane. Ils sont donc séparés de leurs agresseurs par une paroi épaisse (de 40 à 80 cm). Cette ‘’salle de défense’’ peut contenir confortablement une dizaine de personnes (les défenseurs armés).
Malgré cet événement dramatique, un second agresseur courageux enjambe le corps du premier et tente d’éviter la meurtrière (s’il a conscience qu’elle existe). Il n’en a d’ailleurs pas le temps puisqu’il se retrouve soudainement au fond d’une oubliette de 5m de profondeur au sol tapissé de pieux appointés … il est mort !!

Que s’est-il passé ?
 Cachée par une fine couche de terre, une trappe légère de branchages a cédé sous les pas du second agresseur. Blessé à mort, il ne pourra pas remonter seul du fond de ce piège mortel dont les parois sont en dévers.
Cédant à son instinct agressif, un troisième homme s’aventure dans l’inconnu, échappant par miracle à la meurtrière, enjambant le corps du premier homme et l’ouverture béante de l’oubliette. Il tente alors de s’aventurer dans le couloir qui s’ouvre à gauche, perpendiculairement au premier couloir. Il ne fera pas un mètre et se trouvera immédiatement bloqué sans pouvoir bouger et mourra dans la minute, atteint par un pieu pointu provenant d’une seconde meurtrière, proche de la première mais dissimulée par l’angle droit du couloir. Il est atteint au flanc droit, du côté du foie… il est mort !!!

Que s’est-il passé ?
A un mètre du carrefour orthogonal, notre troisième agresseur a été stoppé par un barrage de rondins de bois empilés dans des gorges profondes constituant un obstacle infranchissable d’une moyenne de 20cm d’épaisseur. Si l’agresseur entreprenait de détruire ce barrage, (encore faudrait-il qu’il ait pensé à se munir d’une hache) il n’en aura pas le temps car la seconde meurtrière est là pour ça ; elle est placée au niveau de l’abdomen de l’agresseur doublement immobilisé. Il meurt rapidement.

Suite des événements.

En imaginant qu’un quatrième agresseur ose s’avancer plus loin, enjambant les deux cadavres, sautant au-dessus du gouffre, dans le brouillard de la fumée, évitant deux meurtrières successives et détruisant un barrage de rondins, que va-t-il lui arriver ?
En fait, il est déjà mort ! En effet, dans la pénombre, s’acharnant à la destruction du barrage, il n’a pas vu la troisième meurtrière qui est en face de lui et qui l’attendait. Elle est défendue et armée par un deuxième groupe de défenseurs, à l’abri dans une seconde salle de défense protégée par l’épaisseur d’une cloison de roche infranchissable.
En imaginant qu’un cinquième homme contourne miraculeusement les obstacles précédents, il pourrait éventuellement rencontrer une personne armée et, s’il n’a pas la chance d’être gaucher, il sera considérablement gêné dans ses mouvements car son ennemi se trouverait derrière un coude à angle droit vers la droite. De toute façon, pour rencontrer ce partenaire éventuel, il aurait fallu qu’il franchisse un deuxième barrage de rondins situé juste après le coude de la chicane et qu’il évite une quatrième meurtrière qui le menace sur son flanc gauche ! Dans certains cas, le barrage de rondins est remplacé par une porte épaisse rendue étanche par la confection de bourrelets d’argile pour éviter une éventuelle attaque d’enfumage et d’asphyxie. 
Ainsi le reste de la famille et notamment les femmes, les enfants, les malades et les vieillards sont à l’abri dans la grande salle terminale d’environ 15m², vraiment inaccessible en raison des nombreux obstacles précédents. Cette pièce est équipée d’un système d’aération et d’une installation sanitaire, de couchettes, de banquettes et de placards ; elle possède des citernes (parfois des fontaines) et éventuellement des silos à grains et des jarres. L’eau et les réserves alimentaires sont indispensables dans un cluzeau fortifié car un enfermement peut se prolonger plusieurs jours. Les volailles y sont libres, certains animaux sont attachés à des anneaux taillés dans le roc et disposent de litière, de râteliers, de mangeoires et d’abreuvoirs ; les chèvres et brebis fournissent du lait, les poules des œufs.
                              
 Serge Avrilleau.
A suivre…

[1] Serge Avrilleau, Cluzeaux et Souterrains du Périgord, T1b, rééd. Libro-Liber, p.177.
 
 

Retrouvez Serge Avrilleau dans nos précédents articles : 
http://www.troglonautes.com/Les-aventuriers-des-trous-perdus-1_a2225.html ,
http://www.troglonautes.com/Serge-Avrilleau_a2226.html

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Rédigé par Patrick Edgard Rosa le Lundi 29 Mai 2017 à 06:23 | Lu 1576 fois





1.Posté par Jul le 21/06/2017 15:13 (depuis mobile)
Merci pour ces 3 articles sur les cluzeaux, une découverte pour moi!!!
C'est fascinant de voir à la fois l'esprit très pratique des dispositifs de défense et en même temps leur efficacité!
A t'on une idée de la durée qu'il fallait pour les creuser?

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