Targé, de père en fils

La Transmission


Cela me taraudait depuis un bon moment : construire un portrait « au nom du père et du fils ». L’idée est née au Château de Targé, il y a déjà…, le temps passe vite. J’avais apprécié le grand-père en son temps, connu le père. Il était temps de découvrir le fils, au travers du fil de la transmission, celle d’un savoir-faire, d’un héritage culturel dans un château-berceau de génération en génération qui a associé de fulgurants personnages dont les noms résonnent dans notre mémoire collective, Ferry, Pisani, père et fils.
Targé, Parnay. Le Château, niché discrètement sur la cote saumuroise domine la vallée de la Loire sans ostentation aucune, havre de paix distille du fond de ses caves austères l’or liquide qui enchante de nombreuses papilles, issu des terroirs parnaysiens, juste au-dessus du Château : 17.50 ha d'un seul tenant, dont au moins les 7 ha d'origine en 1655 : aujourd'hui 24 ha. Merci Grand-Mère, merci Grand-Père.
Les courses de relais sont étonnantes de vérité au moment de l’échange : décélération lors de la prise en main, puis accélération progressive, vers le but final, regain d’énergie créatrice, fluidité garantie. Cohérence et cohésion.


Edouard et Paul

L’un pourrait se fondre dans une toile du Gréco (Edouard). L’autre, jaillir d’une scène de Goya (Paul). Tout est dit, me semble-t-il. C’est du moins l’image que j’en ai, celle de deux caractères qui savent déjà jouer d’une complicité apparemment naissante. Je les ai observés lors de notre rencontre. Quoi de mieux que d’inverser les rôles ?
Voilà Edouard, fraichement devenu facétieux, presque juvénile, qui d’emblée se la joue « je me met en retrait » : « je vous laisse un moment, je dois accueillir des clients américains ! » L’esquive est de taille, normal pour un viticulteur expérimenté. Lorsqu’il revient, nous avons longuement échangé avec Paul. Son père se fait sourd à notre conversation, s’impose devant un ordinateur durant la fin de l’échange. L’air ailleurs.
Paul nous reçoit, large sourire de bienvenue et d’écoute. Le dialogue s’installe très vite, point de faux semblants, cartes sur table (de très belle facture), vite débarrassée pour les besoins de la cause. La passion inscrite depuis longtemps sur les traits de Paul l’animent. La transmission ne date pas de la veille. Paul se livre à visage découvert, sans ambages.
Edouard revient dans le circuit. Père et fils échangent sur un appel impromptu : le fils paternaliste légèrement agacé conseille son père qui sait jouer à merveille les ingénus. Mais les regards sont là, la transmission est opérée. C’est ce que j’étais venu chercher, cette étincelle qui les reliait.
Nous descendons dans les entrailles du Château : Edouard joue avec son humour les « Arlequin ». Paul nous fait découvrir le cœur du domaine, son âme, sa passion. Enfin, nous dégustons les subtiles nuances de cette belle aventure familiale, offertes à nos modestes palais.

Targé, conjugaison des temps

Paul reprend les rênes du domaine, début 2017, impatient de recueillir les fruits du passage au « bio » initié avec son père, auguré pour 2020. En attendant il a du « vin » sur la planche. Fiston a signé son immersion dans le domaine, il y a plus d’un an : Edouard lui a laissé la gestion du domaine, a pris des vacances. Baptême du feu pour « Petit Paul » (Marcel Pagnol, A la gloire de mon père, le Château de ma mère), qui dut faire face à une disparition de matériel viticole et incendie de voiture (VNI : Véhicule non identifié) sur le domaine. Chaud le baptême pour un « gamin » de 28 balais !
Ne vous y trompez pas, Pisani-fils a fait ses preuves. L’école de Montreuil-Bellay, l’école de commerce, l'Essca à Angers, deux séjours ex-patria dans des expériences viticoles (Argentine, Afrique du Sud) et un dernier, auprès du « sensei » (maitre) familial dans le rigoureux Bordelais. Equation simple : savoir-faire familial + expérience perso = je suis prêt ! c’est quand tu veux, Papa ! Mais… j’ai mes projets en tête : agrandissement des caves, accueil de la clientèle, communication « efficace, rationnelle, contrôlée… » Et ma vie personnelle. Tu en dis quoi mon Père ?
« Fay ce que voudras », disait Rabelais.

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Rédigé par Patrick Edgard Rosa le Jeudi 23 Novembre 2017 à 11:15 | Lu 769 fois