Tamagawa Daishi, un temple souterrain à Tokyo

Balades souterraines lointaines


Tokyo, banlieue résidentielle chic : le quartier de Futago Tamagawa à 15 minutes de la turbulente gare de Shibuya abrite un sanctuaire caché, inconnu de la plupart des Tokyoïtes. Sa singularité : un temple souterrain auquel on accède par une descente tortueuse dans le noir complet.


Pélerinage souterrain

Le temple de Tamagawa Daishi ( Le grand bouddha guérisseur ) appartient à la secte Shingon, un bouddhisme ésotérique, celui du fondateur du bouddhisme au Japon, le moine Kobo Daishi ou Koukai (on traduit  par secte chaque branche du bouddhisme, mais cela n’a pas la connotation qu’on en donne en Occident), dont le temple fondateur se trouve sur le Mont Koya.
Arrivé à la gare de Futago Tamagawa, il faut quitter les abords animés de la station et parcourir de calmes ruelles sans aucune indication relative au temple. Une bannière discrète annonce l’entrée du sanctuaire. Le jour où nous arrivons, une cérémonie est en cours. Les récitations de prières et l’encens nous accueillent pour nous mettre dans l’ambiance.
 
Ce temple abrite dans son sous-sol des statues de pierre venues des 88 temples de l’île de Kyushu dont le pèlerinage équivaut à notre chemin de Compostelle. Au lieu de faire le tour de l’île à pied, ce qui prend des jours aux pèlerins, on peut ici faire un mini circuit équivalent à l’original en termes de « bénéfices » religieux. En parcourant le chemin souterrain par cette voie souterraine, on fait ses dévotions devant les différentes divinités représentées et en  sortant, on sonne le gong qui équivaut à l’accomplissement du pèlerinage complet des 88 stations.

A l'épreuve des ténèbres

Trop facile !,  me direz-vous. Je suis d’accord mais il y a un obstacle de taille pour parvenir au sanctuaire souterrain. La descente qui y mène est un tunnel sans lumière qui descend profondément sous le temple situé en surface. Construit sous l’ère Taisho, (1912 - 1926), le tunnel est cimenté, de même que la grotte qui abrite les rangées de statues de pierre. Certains endroits sont légèrement éclairés : on peut voir que les parois sont couvertes d’un enduit. Des sutras écrits au pinceau et des peintures couvrent les murs. La hauteur de plafond ne dépasse pas 2 mètres dans les tunnels mais s’élève quand on arrive dans le sanctuaire avec soulagement.

Je marche derrière mon cousin, une main accrochée à son épaule et l’autre suivant le mur comme nous l’a recommandé le bonze à l’accueil. Ma main droite touche un morceau de métal froid scellé dans le mur. Il s’agit du sceptre à deux têtes de Kobo Daishi que l’on saisit dans le noir. La descente reprend, toujours à l’aveuglette. Combien de mètres avons-nous parcouru les yeux écarquillés en vain ? Je dirais une vingtaine de mètres au moins en tournant dans les ténèbres. Ouf, au loin une lueur annonce la fin du premier tunnel. On débouche sur une salle étroite remplie de plusieurs rangées de statues de pierre de part et d’autre de l’allée centrale, et qui tourne comme un labyrinthe.

Parmi les sculptures, on découvre le grand bouddha couché dans une alcôve cernée de dragons. Face à lui, une statue hiératique  du moine Kobo Daishi  éclairé par de faibles lueurs. Ambiance garantie. Nous sommes seuls. Aucun autre visiteur n’est parvenu dans les salles souterraines.

catharsis

Pourquoi cette descente dans le noir complet? Il s’agit d’un parcours initiatique, une épreuve à surmonter pour parvenir dans le sanctuaire et mériter son pèlerinage. Ce sont en quelque sorte des préliminaires spirituels, voire un acte de catharsis, comme souvent lors de passages par le monde souterrain. Pour mériter son paradis, il faut parfois traverser le purgatoire ou les limbes, un entre-deux qui ressemble à une descente aux Enfers ou à celle d’un Fleuve, le Styx. Les dragons gardiens du bouddha et les Fudo Myo entourés d’aréoles de flammes semblent là pour vous effrayer. Leur mission est en réalité d’éloigner les démons.
 
La sortie du labyrinthe est plus aisée. On remonte lentement à travers d’autres rangées de statues, puis le gong annonce le retour vers la surface. Je retrouve l’encens du temple mais les chants se sont tus. Le bonze achève son sermon. On nous distribue un encens de santal dans le creux de la main gauche et chacun est invité à se frotter les mains, puis à se passer les mains sur le corps, de la tête aux pieds. Une sorte d’exorcisme et de protection divine.
 
Le retour dans les ruelles nous permet de revenir à la réalité. Nous garderons longtemps le parfum d’encens sur nos cheveux et nos vêtements.

 
L.T.
 


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Rédigé par Renée Frank le Jeudi 14 Février 2019 à 10:26 | Lu 706 fois