Sur les traces de Jeanne et Camille Fraysse (5)


Contacté par téléphone, et sans aucune recommandation, Jean Fraysse, le fils des pionniers de la réhabilitation du troglodytisme local, nous a ouvert les portes et les secrets de sa merveilleuse maison du Thoureil, avec confiance et générosité (cf l’article « Jean Fraysse, photographe » et ma série d’articles se référant à leurs ouvrages publiés aux éditions Cheminements).


La maison du Thoureil

Sur les traces de Jeanne et Camille Fraysse (5)
Je recherchais quelqu’un qui puisse me parler des Fraysse, de leur passion pour le troglodytisme, de leur méthode d’investigation et de leur personnalité hors pair. Un couple de légende dans l’histoire locale. Avant de se passionner pour les troglos et cavités, ces pharmaciens de Noyant se sont intéressés à la paléontologie et surtout à l’histoire de la marine de Loire. Leur maison est encore pleine de trésors : passe-ports de mariniers de l’Ancien Régime, coffres de marins sculptés, girouettes de bateaux… Mais si  l’intérêt pour les  mariniers amène de nombreux visiteurs à franchir le pas de cette antique demeure d’une famille de négociants en vins hollandais du XVIème siècle, où rien ne semble avoir bougé depuis l’époque de Jean et Camille, il semblerait que rares sont ceux qui viennent rencontrer Jean Fraysse, 88 ans,  pour qu’il leur parle du remarquable travail d’inventaire des caves accompli par ses parents. Lui-même est l’auteur des photos de ces ouvrages publiés entre 1961 et 1964. D’où le plaisir de Jean de nous accueillir pour ce sujet qui lui tient à coeur, et sa générosité à nous ouvrir le grenier et les archives de ses parents. Grâce à Jean,  j’ai trouvé la clé pour remonter le temps.

Une histoire de famille

Sur les traces de Jeanne et Camille Fraysse (5)
L’essentiel du travail a été accompli pendant la 2ème guerre mondiale.  Toute la famille partait en expédition, avec des lampes torche de fortune et de bonnes chaussures de marche. Les habitants des troglos, souvent incrédules, entrouvraient leur porte à ces explorateurs d’un genre nouveau, parfois avec réticence, honteux de vivre dans un cadre considéré à l’époque comme arriéré. Mais la gentillesse et l’intérêt des Fraysse prenait le dessus sur leur pudeur. Ainsi, Camille avec sa plume, Jeanne avec son crayon, et Jean avec son appareil photo, ont visité et répertorié des dizaines de sites pendant leurs jours de congés. L’épouse de Jean tenait la canne à pêche destinée à allumer le ruban de magnésium qui éclairait un court instant les ténèbres des caves, et sa fille Sylvaine, encore enfant, se glissait la première dans les boyaux étroits… Un travail de fourmi, d’anthropologue, mené avec minutie et passion. Le premier tome des « Troglodytes en Anjou à travers les âges », intitulé « Folkore des troglodytes angevins », est un recueil de légendes et traditions orales. Le deuxième volume est consacré aux habitants permanents et monuments religieux. Le troisième tome présente l’habitat temporaire et les souterrains refuges. Ces livres aujourd’hui épuisés sont  la bible des troglophiles avertis.

Avant le risque zéro…

Sur les traces de Jeanne et Camille Fraysse (5)
Jean nous raconte comment, selon les dires du curé local, une cave à Denezé-sous-Doué abritait d’anciennes sculptures païennes et que, se glissant  en rampant dans une cave dépotoir comme il en existe encore beaucoup, il a découvert le puits aux sculptures à la lumière de sa torche. Aujourd’hui, à l’époque aseptisée du risque zéro, on n’envoie plus les enfants en éclaireurs dans les caves obscures. Les temps ont bien changé, même s’il reste aujourd’hui encore de nombreux sites cachés à explorer….
Nous repartons avec des cartons d’archives pleins les bras et le livre « Mon Village », précieux  témoignage de la vie rurale, écrit par Jeanne et Camille Fraysse,  dédicacé par Jean. Une rencontre inoubliable.


Rédigé par Patrick Edgard Rosa le Samedi 12 Novembre 2011 à 09:42 | Lu 1262 fois