La vision de Sextantio
Cette entreprise de projets architecturaux rachète et restaure des villages pratiquement abandonnés dans les régions les plus reculées de l’Italie, victimes de la désertification des campagnes et d’une émigration sans retour : ainsi San Stefano di Sessanio dans les Abruzzes, auquel le projet de réhabilitation rurale redonne vie. On estime à près de 15.000 le nombre de villages totalement abandonnés. Le groupe a choisi 9 projets sur plus de 500 propositions reçues. Parmi eux, Les Grottes de la Civita, à Matera, inaugurées en 2010. Les murs extérieurs et les escaliers ne laissent voir aucune trace de rénovation, ou à peine. Les ambiances sont monacales, une leçon d’épure à l’italienne. Le principe est de ne pas dénaturer les lieux et de respecter la configuration de leur fonction d’origine : d’une chambre à l’autre, on passe de l’ancienne porcherie à l’église rupestre. Le fond de la pièce était en général destiné aux animaux domestiques, tel que l'âne qui faisait partie de la famille. Cette démarche architecturale allie un art de vivre, une vision postmoderne au service d’un patrimoine dit « mineur », et une expérience à la fois collective (la sauvegarde d’un village) et intérieure.
La chambre n°9
La chambre N° 9 s’ouvre avec une grande clé à l’ancienne. Vous pénétrez dans un décor ancestral. Vieille porte cloutée, bois anciens, rouille patinée, vieux dallages de guingois, éclairages indirects creusés dans la roche, parois rocheuses brutes sans fioriture aucune. Sur une tablette de vieux chêne, la cruche de terre est remplie d’eau claire, protégée d’un mouchoir de lin. Une coupe de fruits sur une nappe blanche et une bougie complètent le tableau de nature morte. Nul minibar ou téléphone hightech. Ne cherchez pas non plus la télé. Elle n’est même pas cachée dans le placard. Le minimalisme est de mise. Pourtant le confort est là, avec un chauffage au sol dissimulé sous le dallage millénaire.Un savant système de ventilation est installé dans les murs, de même que les tuyauteries ou les fils électriques. Les draps de lit sont en lin blanc. Quant à la salle de bain, séparée par un simple muret de la chambre, la baignoire y est posée au ras du sol ; la céramique immaculée au design moderne contraste avec la rugosité des parois et du pavage. Par une vieille grille au sol, on aperçoit une ancienne citerne creusée sous la maison. La seule lumière est celle qui pénètre par la porte et son imposte, la pénombre est douce et repose de la vue grandiose de la terrasse dominant la vallée abrupte de la Gravine.
De l’Enfer au Paradis
Au matin, béats d’émerveillement, vous prenez le petit déjeuner dans une ancienne église rupestre. Le décor : les deux piliers de la nef, l’arc en ogive, l’autel au fond de la cave, une cheminée construite par des habitants qui ont vécu dans ce lieu. Les tables de bois sont dressées avec goût et simplicité. Le pain de Matera est au levain, fait à base de levure de fruits. Pizza maison et tarte aux courgettes, mozzarella, lait de vache : tous les produits sont strictement d’origine locale, avec une empreinte carbone nulle. Il y a une démarche écolo chic certaine. Le must : vous pouvez réserver la salle à manger – église pour un dîner aux chandelles en amoureux, avec le chef rien que pour vous (il vous en coûtera la somme de 100 euros par personne. Nous n’avons pas testé pour vous, mais sûrement quelle expérience!). Les Grottes de la Civita ont été déclarées par le critique du New York Times un des 10 plus beaux hôtels au monde. Le journal a qualifié les promoteurs de Sextantio de « cave crusaders » : les croisés des grottes. Voilà un titre honorifique qui conviendrait bien aux troglonautes. Un bémol à ce sublime cependant : des prix très élevés – noblesse oblige – par rapport aux prestations volontairement épurées, même si vous pouvez trouver des tarifs préférentiels en basse saison ou par internet. Lors de l’ouverture, les chambres ont coûté jusqu’à 500 euros pour une simple grotte : voilà qui a de quoi choquer nos amis italiens Paolo et Teresa : Il trouvent bourgeois et indécent de payer aussi cher pour vivre l’expérience des sassi, longtemps symboles de la misère des campagnes italiennes. La grand-mère de Teresa qui a vécu en cave jusqu’en 1952 considère encore ce passé comme une honte, comme nombre d’anciens de Matera. L’écrivain Carlo Levi, dans « Le Christ s’est arrêté à Eboli », évoquait l’Enfer de Dante à propos de ces trous insalubres. Paradoxalement, ils sont devenus aujourd’hui le symbole et le refuge d’une civilisation décadente qui cherche à retrouver son authenticité et ses racines.
Pour préparer votre séjour : www.legrottedellacivita.com... ou www.booking.com
Lady Trog, croisée des troglos !
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