L'Opéra de Paris, mélodies et mystères en sous-sol


L'opéra Garnier recèle bien des secrets dans son immense sous-sol : comment démêler la réalité des fantasmes et de la littérature qui entourent les mystères de l'Opéra? Commençons par la réalité historique et tangible. Nous aborderons plus tard le monde imaginaire des sous-sols du Palais Garnier.


Vue en coupe de l'Opéra
Vue en coupe de l'Opéra

Un ballet aquatique sous l'Opéra

Un des lieux souterrains qui alimente la légende de l'Opéra est le réservoir souterrain, surnommé le Lac, sorte de Lochness parisien à la sombre légende. On y rencontre pourtant des animaux domestiques plus familiers que le Monstre : des pompiers... et des carpes. Ce réservoir dont la réalisation n'était pas prévue lors de la conception première de l'Opéra Garnier dans les années 1860, résulte de la découverte d'un sol gorgé d'eau en cours de chantier. En effet, une nappe phréatique importante, alimentée par un bras préhistorique de la Seine, provoquait une inondation permanente.
Si la nature du terrain remet en cause la conception des fondations d'une portion de l'édifice, en augmente le coût et en retarde quelque peu la mise en œuvre, la réalisation d'un cuvelage destiné à contenir les infiltrations souterraines constitue finalement un réel avantage pour le Palais Garnier.
En effet, l'importante quantité contenue dans la cuve de ciment et de béton, et son emplacement stratégique, donnent aux pompiers la possibilité de circonscrire plus rapidement et plus efficacement un départ d'incendie. Il faut aussi préciser que cette construction facilite la répartition des descentes de charges de la plus haute et imposante partie du palais.

Situé sous la cage de scène, l'accès est rendu possible par un petit escalier et la surveillance de l'état des structures de la cuve et de ses voûtes y est régulièrement effectuée en barque. La présence de carpes, nourries par les techniciens responsables de l'endroit et pour anecdotique qu'elle soit, donne une indication intéressante sur la qualité de cette eau.
Les hommes-grenouilles des pompiers y pratiquent régulièrement des exercices aquatiques...

Il y a donc une vie sous marine effrénée sous la scène de l'Opéra. Un vrai ballet aquatique!

Une fée électricité sous l'Opéra
Une fée électricité sous l'Opéra

La fabrique électrique

Les sous-sol de l'Opéra abritaient également dans leurs caves une usine. "Une gigantesque usine de production d’électricité", rapporte avec emphase Henri de Parville dans le « Journal des débats politiques et littéraires » du 16 juin 1887. « On pourrait presque avancer que, si l’Opéra est le palais de l’art musical, il est aussi devenu le palais de l’industrie électrique. Pendant que la foule applaudit nos artistes dans la salle, les machines les plus perfectionnées travaillent silencieusement dans le sous-sol, comme dans une des plus grandes usines du monde, et engendrent des quantités d’électricité dont l'imagination la plus hardie ne se serait certainement pas fait l'idée, il y a quelque dizaines d'années à peine. »
 
En 1888, quelques années après son inauguration, l’Opéra est l’un des premiers établissements parisiens à expérimenter l’éclairage à l’électricité. Les 8.000 becs de gaz sont remplacés par 6.000 lampes à incandescence et quelques lampes à arc. Toutes sont alimentées par cinq énormes « chaudières Belleville » installées dans les sous-sols par la compagnie Edison. L’eau vient en partie d’un puits creusé pour l’occasion. Une cheminée de 39 mètres de hauteur est placée dans une cour intérieure pour évacuer la vapeur. 
A l’époque, « c’est la plus belle des installations électriques des théâtres du monde entier », applaudit Louis Figuier dans Les Merveilles de la science. L’usine fournit également du courant au Cercle militaire alors situé à deux pas.
 Rapidement, pourtant, l’action des fumées sur la pierre se fait sentir et l'usine est fermée tout au début du 20ème siècle.

La cérémonie des urnes
La cérémonie des urnes

Les voix souterraines

Mais les sols-sols de l'Opéra recèlent encore d'autres surprises : Une initiative étonnante est prise en 1907 et réitérée en 1912. Au cours d'une cérémonie solennelle, Alfred Clark, le président de la compagnie française du Gramophone enfouit des enregistrements  composés de vingt-quatre disques dans des urnes scellées pour 100 ans et qui seront enterrées dans les sous-sol de l'Opéra, sans oublier le gramophone, au cas où la technique d'écoute ne serait plus connue un siècle plus tard.
Ces enregistrements étaient destinés à transmettre aux hommes du futur l’état des machines parlantes ainsi que les voix et interprétations des principaux chanteurs de l'époque.
Lors de cet enfouissement, un mystérieux cadavre fut découvert dans les sous-sols de l'Opéra, dont la presse se fit l'écho, et que l'écrivain Gaston Leroux identifia comme celui du fantôme. Mais nous vous en reparlerons bientôt...
Les urnes ont d'ailleurs été ouvertes comme prévu cent ans après leur enfouissement,  en 2007. Un double CD a été édité en  2009 chez Emi Classics, Les Urnes de l’Opéra. Des voix venues de l'au-delà, et du fin fond de la terre...

Enfin, pour en finir avec l'histoire officielle des sous-sols de l'Opéra, sachez  que sous la Commune de Paris, les révolutionnaires transformèrent les salles en entrepôts, et lorsque les Versaillais  pénétrèrent dans Paris le 21 mai 1871, les souterrains servirent de cachots et des Communards y furent exécutés...
De quoi alimenter la sombre légende des lieux...
A suivre.

Lady Trog


Rédigé par Renée Frank le Mercredi 19 Février 2014 à 11:50 | Lu 4833 fois