Jules Mougin, un facteur troglodyte


Jules Mougin avait 98 ans lorsqu’il est décédé le 6 novembre 2010 à Rognes dans les Bouches du Rhône. Il nous a laissé avant de partir un trésor inépuisable d’écrits dont certains sont inscrits à jamais dans la roche. Notre « facteur cheval » possédait une maison et des caves à Chemellier. Anti militariste convaincu, Jules se décrivait comme un écrivain prolétaire, adepte de l’Art brut. Giono, Dubuffet, Calaferte et d’autres encore comptent parmi ses amis avec lesquels il entretenait des relations épistolaires. Quelques 40 000 lettres (merci la poste !) postées par ce facteur de métier, mais aussi une trentaine d’ouvrages viennent rejoindre les écrits taillés dans la roche de sa cave habituée à recevoir ses invités pour des soirées littéraires.


Du trait à la plume

photo de JOSEPH TRECHNIEWSKI
photo de JOSEPH TRECHNIEWSKI

Il semblerait que l’on ait retrouvé le plus ancien dessin conservé, le portrait d’une femme datant de 1931. Jules a dix neuf ans. L’œil est réaliste, le sentiment est là.
Vient l’après-guerre, il intensifie sa production graphique et sa production plastique devient protéiforme. C’est la période ou il rencontre Dubuffet, Chaissac…et nombre d’écrivains prolétariens. Jules Mougin s’adonne à toutes les expériences. Les vagues créatrices se succèdent et Jules fait feu de tout bois : le support papier, calepins de bazar, cahiers d’écolier, buvards, branches mortes, la roche, tout est bon pour le jaillissement spontané de la création. L’art brut. Mougin crée, Mougin donne, Mougin nous offre 70 ans de création. 

La spontanéité est son mot d’ordre. Dans ses œuvres, il n’y a jamais de surplus. Chaque technique et chaque matériau apportent leur « petit plus ». Mougin s’inspire de la vie, de sa vie. 

Tout naturellement, autant d’œuvres de la part d’un artiste provoquent sa renommée, ce dont il ne voulait évidemment pas. 



Pour lui, l’Art n’était en aucun cas un travail. Si quelques-unes de ses œuvres lui étaient très chères, il n’omettait pas de céder les autres à ses plus proches amis. Il ne lui est jamais venu à l’esprit de créer une œuvre pour accéder au Panthéon … Et c’est d’ailleurs ceci qui le rend différent des autres. Lui, il était libre.


Seule une centaine de pages ont été éditées. Et Mougin n’y est pas pour rien.


Repères bibliographiques

photo de JOSEPH TRECHNIEWSKI
photo de JOSEPH TRECHNIEWSKI

Dans certains de ses récits, il nous narre son enfance très modeste du vingtième siècle. Il vivait avec sa sœur et ses parents. Ils habitaient près de l’usine, là où son père travaillait. Tous les jours ils rêvaient d’un lendemain meilleur. Mais en 1922, son père meurt de la tuberculose. Il n’a jamais accepté « la déplorable habitude de l’Homme à laisser vivre un individu dans des conditions aussi insalubres ».
Après la mort de son père, sa mère s’installe avec ses enfants à Paris. La misère est la même partout. 

En 1926, à treize ans, Jules Mougin entre dans la vie professionnelle. Il est alors postier. Après sa collaboration avec Morel, l’intéressé retourne à ses premiers amours : des textes courts. L’éditeur a produit les plus beaux livres de Jules Mougin, 143 poèmes, lettres et cartes postales, La grande Halourde et Mal de coeur entre 1960 et 1962. les publications sont aléatoires. La parution de « Magma » en 1985 réveille les lecteurs. C’est à ce moment là que l’on se rend compte que tous les écrits de Mougin sur les supports tous aussi différents les uns des autres, sont en eux même des œuvres plastiques. 

Des milliers de pages n’ont jamais été publiées. Des cartons remplis de notes et de graphiques demeurent intacts. Il reste certainement beaucoup à faire pour que Mougin soit reconnu, lu par un plus grand nombre. Tout un continent demeure encore inexploré et mériterait d’être mis à jour. 


nous remerçions JOSEPH TRECHNIEWSKI, l'auteur des photos de nous avoir pemis de les publier.



Rédigé par Patrick Edgard Rosa le Dimanche 15 Mai 2011 à 20:45 | Lu 2123 fois