Dogon : bas les masques !


330 œuvres exceptionnelles issues du monde entier, du 10ème siècle à nos jours, composées d’objets hétéroclites, appuie-têtes, poulies, portes, volets, piliers, peintures rupestres et bien entendu les célèbres masques s’offrent à notre regard jusqu’au 24 juillet au Musée du quai Branly.


La fascination des occidentaux

Dogon : bas les masques !

De l’expédition de Marcel Griaule (1930) à cette exposition, en passant par le classement du pays Dogon au patrimoine mondial par l’UNESCO, tous les signes sont là pour signifier la fascination de l’Occident pour les Dogon. La légende se bâtit autour d’une culture préservée, d’une mythologie extraordinaire, de paysages grandioses, d’un art, et de rituels étranges et mystérieux. On parle de 1700 écrits et 150 films consacrés au sujet. D’autres chiffres viennent corroborher cette attitude. La pièce maîtresse de l’exposition (statue Djennenké pré dogon) a été vendue au musée pour 4 millions d’euros. C’est sans compter une des premières expéditions (1931- 1933) menée par Marcel Griaule et Henri Georges Rivière qui revint avec entre autre « butin » 3600 objets. D’où ce commentaire de Michel Leiris dans « l’Afrique fantôme » : « On pille les Nègres sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et à les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes qui iront aussi les « aimer » et les « piller ».


Les Dogon résistent, et s’adaptent

Ok. On connaît la musique, surtout en Afrique noire. Mais là, elle n’est pas la même. Les peuples Dogon sont habitués à lutter dans un univers hostile : le terrain, l’expansionnisme musulman, la colonisation, plus ou moins déguisée, le tourisme. L’art « sacré » du départ suit l’évolution voulue par les Dogon eux-mêmes. Les masques qui revivent lors des rituels funéraires, enduits de patine animale, meurent, sortis de leurs contexte, ou sous la pression des interdits musulmans. Mais l ‘Art est vivant tout comme les Dogons qui réutilisent l’attrait nouveau des Occidentaux comme tremplin pour renaitre et rejaillir avec force, comme transfigurés. Ainsi, toute une « industrie » touristique produit (et cela leur permet de vivre) allant jusqu’à utiliser les matériaux modernes (tongs recyclées) dans des œuvres exposées aujourd’hui à l’American Museum of Natural History de New York. L’Art Dogon vit au présent.

Voilà pour la toile de fond, d’une exposition sublime dans les œuvres présentées mais qui demanderait à être étoffée pour la rendre plus humaine. Derrière les masques, il y a les hommes. 



Rédigé par Patrick Edgard Rosa le Jeudi 26 Mai 2011 à 19:34 | Lu 420 fois