De la littérature souterraine : Les Indes noires, Jules Verne (1/2)

Littérature souterraine


Quand on cite Jules Verne, le premier roman qui vient à l’esprit lorsqu’on parle de monde souterrain, c’est bien sûr « Voyage au centre de la terre ». Moins connues, « Les Indes noires » racontent aussi un univers souterrain, celui des mines de charbon de l’Ecosse. Le livre retrace le destin d’une famille attachée à son sous-sol et les mystérieux phénomènes qui agitent les sombres galeries abandonnées.


Retour à la mine

Alors que l’exploitation semble définitivement abandonnée, l’ancien contremaître Simon Ford persiste à chercher un nouveau filon et ne se résigne pas à remonter vivre à la surface : il installe son cottage au fond de la mine d’Aberfoyle. Un jour, il invite son ancien patron, James Starr à le rejoindre au fond de la mine. Celui-ci, guidé par le fils de Simon Ford,   revient à la houillère désaffectée avec l’espoir de faire revivre la mine…
 
Le jeune mineur et son compagnon étaient arrivés au fond d’une clairière,  - si toutefois ce mot peut servir à désigner une vaste et obscure excavation. Cette excavation, cependant n’était pas absolument dépourvue de jour. Quelques rayons lui arrivaient par l’orifice d’un puits abandonné, qui avait été foncé dans les étages supérieurs. C’était par ce conduit que s’établissait le courant d’aération de la fosse Dochart. Grâce à sa moindre densité, l’air chaud de l’intérieur était entraîné vers le puits de Yarow.
Donc, un peu d’air et de clarté pénétrait à la fois à travers l’épaisse voûte de schiste jusqu’à la clairière.
C’était là que Simon Ford habitait depuis dix ans, avec sa famille, une souterraine demeure, évidée dans le massif schisteux, à l’endroit même où fonctionnaient autrefois les puissantes machines, destinées à opérer la traction mécanique de la fosse Dochart.
Telle était l’habitation – à laquelle il donnait volontiers le nom de « cottage » -, où résidait le vieil overman. Grâce à une certaine aisance, due à une longue existence de travail, Simon Ford aurait pu vivre en plein soleil, au milieu des arbres, dans n’importe quelle ville du royaume ; mais les siens et lui avaient préféré ne pas quitter la houillère où ils étaient heureux, ayant mêmes idées, mêmes goûts. Oui ! il leur plaisait, ce cottage, enfoui à quinze cents pieds au-dessous du sol écossais.
 

De génération en génération

[…] Quoi qu’il en soit, Simon Ford était fier d’appartenir à cette grande famille des houilleurs écossais. Il avait travaillé de ses mains, là même où ses ancêtres avaient manié le pic, la pince, la rivelaine et la pioche. A trente ans, il était overman de la fosse Dochart, la plus importante des houillères d’Aberfoyle. Il aimait passionnément son métier. Pendant de longues années, il exerça ses fonctions avec zèle. Son seul chagrin était de voir la couche s’appauvrir et de prévoir l’heure très prochaine où le gisement serait épuisé.
C’est alors qu’il s’était adonné à la recherche de nouveaux gisements dans toutes les fosses d’Aberfoyle, qui communiquaient souterrainement entre elles. Il avait eu le bonheur d’en découvrir quelques-uns pendant la dernière période d’exploitation. Son instinct de mineur le servait merveilleusement, et l’ingénieur James Starr l’appréciait fort. On eût dit qu’il devinait les gisements dans les entrailles de la houillère, comme un hydroscope devine les sources sous la couche du sol.
Mais le moment arriva, on l’a dit, où la matière combustible manqua tout à fait à la houillère. Les sondages ne donnèrent plus aucun résultat. Il fut évident que le gîte carbonifère était entièrement épuisé. L’exploitation cessa. Les mineurs se retirèrent.
 
 

A l’abri des intempéries


Le croira-t-on ? Ce fut un désespoir pour le plus grand nombre. Tous ceux qui savent que l’homme, au fond, aime sa peine, ne s’en étonneront pas. Simon Ford, sans contredit, fut le plus atteint. Il était, par excellence, le type de mineur dont l’existence est indissolublement liée à celle de sa mine. Depuis la naissance, il n’avait cessé de l’habiter, et, lorsque les travaux furent abandonnés, il voulut y demeurer encore. Il resta donc. Harry, son fils, fut chargé du ravitaillement de l’habitation souterraine ; mais quant à lui, depuis dix ans, il n’était pas remonté dix fois à la surface du sol.
« Aller là-haut ! A quoi bon ? » répétait-il, et il ne quittait pas son noir domaine.
Dans ce milieu parfaitement sain, d’ailleurs, soumis à une température toujours moyenne, le vieil overman ne connaissait ni les chaleurs de l’été, ni les froids de l’hiver. Les siens se portaient bien. Que pouvait-il désirer de plus ?
Au fond, il était sérieusement attristé. Il regrettait l’animation, le mouvement, la vie d’autrefois, dans la fosse si laborieusement exploitée. Cependant, il était soutenu par une idée fixe.
« Non ! non ! la houillère n’est pas épuisée ! » répétait-il.
 
A suivre…


L.T.

 

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Rédigé par Renée Frank le Dimanche 6 Septembre 2015 à 10:57 | Lu 477 fois