De la littérature souterraine : D.H. Lawrence (2/2)

Littérature


Nous évoquions dans l'article précédent (1824), le voyage de D.H. Lawrence au Nouveau Mexique où la grotte de Lucero Peak l'impressionna et inspira le décor de la scène de sacrifice d'une nouvelle intitulée " L'amazone fugitive". Un récit de fantasme et d'érotisme torride... Sensibles s'abstenir!


La fugitive

 De la littérature souterraine : D.H. Lawrence (2/2)

D.H.Lawrence, fasciné par les rites amérindiens raconte le sacrifice d'une femme blanche qui va d'elle même s'offrir en pature à ses bourreaux, lassée de sa vie monotone et de son mari qui ne lui a jamais procuré de plaisir. Hypnotisée et enivrée lors d'une cérémonie sacrée, elle accepte la mort avec exaltation. Faite prisonnière par une tribu aux rites ancestraux, elle est dénudée, lavée et emmenée sur une litière avec un cortège de tambours jusqu'à l'entrée de la caverne...


Une seule chose retenait son attention : cette aiguille de glace suspendue au rebord du sombre rocher à pic. Et derrière ce câble de glace, elle aperçut les silhouettes de léopard des prêtres escaladant la face creuse du roc, pour parvenir à la caverne qui, comme l'orbite d'un oeil géant, creusait une cavité, un orifice, au milieu de l'escarpement.
Avant qu'elle eût compris ce qui se passait, les portières de litière trébuchaient sur les anfractuosités et escaladaient le rocher. Elle aussi était derrière la glace pendant ainsi qu'un rideau qu'on n'a pas déployé et qui reste accroché comme une grande griffe. Et au-dessous s'ouvrait l'orifice de la caverne qui se perdait dans la profondeur du rocher. Elle le regardait tout en montant vers lui.[...]

Le Sacrifice

La caverne s'ouvrit devant elle. Un feu brillait et vacillait dans ses profondeurs. Quatre prêtres avaient ôté leurs robes et se trouvaient presque aussi nus qu'elle. C'étaient des hommes puissants, dans la force de l'âge et ils tenaient baissés leurs visages sombres et peints.[...]
Elle demeurait presque indifférente, bien qu'elle se rendît compte de ce qui se passait. Se tournant vers le ciel, elle regarda le soleil jaune. Il déclinait. La flèche de glace était comme une ombre entre elle et lui. Et elle s'aperçut que les rayons jaunes emplissaient à moitié la caverne mais qu'ils n'avaient pas atteint l'autel où brûlait le feu, à l'autre bout de la cavité en entonnoir.
Oui, les rayons s'avançaient lentement. A mesure qu'ils devenaient plus vermeils, ils pénétraient la caverne jusqu'au fond.
Elle comprenait maintenant que c'était cela que les hommes attendaient...

 

Le fantasme d'un écrivain.

Ainsi, les prêtres descendant du Dieu soleil s'adonnent à des sacrifices humains lors du solstice d'hiver au fond d'une caverne. La victime consentante est une belle jeune femme californienne blonde aux yeux bleues, nue parmi ses bourreaux nus et cruels : cela ressemble à une scène de mauvais film érotico kitsch...
Le fait que l'histoire se déroule dans une caverne répond à ce mythe de l'homme sauvage et ajoute à la dramatisation de la scène.
Les fantasmes érotiques de l'écrivain pour la vie sauvage et les rites païens lui ont valu beaucoup d'ennemis.

Lors de notre voyage à Taos, nous chercherons la caverne de DH Lawrence, en espérant qu'elle aura retrouvé un plus paisible destin.

L.T

D.H. Lawrence
L'amazone fugitive
Recueil de nouvelles 
chez Stock ou Livre de Poche 3027


Rédigé par Renée Frank le Vendredi 13 Mars 2015 à 23:23 | Lu 196 fois