De la littérature souterraine : Umberto Eco, Le secret de la terre creuse (1)


L’Agarttha, la théorie de la Terre Creuse. Nous avons évoqué cette mythologie du monde souterrain dans des articles précédents. On retrouve ce grand secret et la théorie des courants telluriques dans le roman complexe de l’écrivain italien Umberto Eco, "Le Pendule de Foucault". Chacun des chapitres porte le nom d’un des 10 Sefirot, les puissances créatrices énumérées par la Kabbale. Moins connu que "Le Nom de la Rose", ce roman publié en 1988, retrace le destin de trois amis éditeurs pris dans l’engrenage infernal du Plan dont ils cherchent à percer les mystères.


Provins, le dernier repère des Templiers

De la littérature souterraine : Umberto Eco, Le secret de la terre creuse  (1)
XIème siècle : Provins, ville médiévale  au Sud Est de Paris, dernier bastion des Templiers poursuivis pour hérésie : dans les kilomètres de galeries souterraines, ils rassemblent leurs armées et élaborent leur Retour dans les siècles à venir :
 
EXTRAITS:

Bina  ( la compréhension) : chapitre 3-18 :
« Pourquoi Provins?
- Jamais été à Provins? Lieu magique, même aujourd’hui on le sent, allez-y, vous verrez. Lieu magique, encore tout parfumé de secrets. En attendant, au XIème siècle c’est le siège du comte de Champagne, et il reste zone franche où le pouvoir central ne peut fourrer le nez. Les Templiers y sont chez eux, aujourd’hui encore une rue porte leur nom. Eglises, demeures, une forteresse qui domine toute la plaine, et de l’argent, le passage des marchands, les foires, la confusion où l’on peut se confondre. Mais surtout, et depuis les temps préhistoriques, des galeries. Un réseau de galeries qui s’étend sous toute la colline, véritables catacombes qu’on peut aujourd’hui encore en partie visiter. Des endroits où, si on se réunit en secret, et s’il y a incursion des ennemis, les conjurés peuvent s’éparpiller en quelques secondes, et Dieu sait où, et, s’ils ont une bonne connaissance des conduits, ils sont déjà sortis par on ne sait quel côté, ils sont rentrés du côté opposé, à pas feutrés comme des chats, et ils sont arrivés dans le dos des envahisseurs, et ils les liquident dans le noir. Mon Dieu, je vous l’assure, mes bons messieurs, ces galeries semblent faites pour les commandos, rapides et invisibles, on s’y glisse dans la nuit, poignard entre les dents, deux grenades au poing, et les autres, pris dans la ratonnade, on les crève, bon Dieu ! »

photo Wikipédia
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Des galeries sous la ville

Ses yeux brillaient. « Vous comprenez, quelle cache fabuleuse peut être Provins? Un noyau secret qui se réunit dans le sous-sol, et tous les gens du lieu qui se taisent s’ils voient. Les hommes du roi arrivent  aussi à Provins, certes, ils arrêtent les Templiers qui se montrent à la surface, et les emmènent à Paris. Reynaud de Provins subit la torture mais ne parle pas. Selon le plan secret, c’est clair, il devait se faire arrêter pour laisser croire que Provins avait été amendée, mais il devait en même temps lancer un signal : Provins ne mollit pas, Provins, le lieu des nouveaux Templiers souterrains… Des galeries qui mènent d’édifice à édifice, on fait semblant d’entrer dans un dépôt de blé ou dans un entrepôt et on sort par une église. Des galeries construites avec piliers et voûtes en maçonnerie, chaque maison de la ville haute possède encore aujourd’hui une cave avec des voûtes en ogive, et il doit y en avoir plus de cent, chaque cave, que dis-je, chaque salle souterraine, était l’entrée d’un de leurs conduits.
- Conjectures, fis-je.
- Non,  monsieur Casaubon. Preuves. Vous n’avez pas vu les galeries de Provins. Des salles et des salles, au coeur de la terre, pleines de graffiti. Qui se trouvent, dans ce que les spéléologues appellent des alvéoles latérales. Ce sont des représentations hiératiques, d’origine druidique. Graffitées avant l’arrivée des Romains.  César passait dessus, et c’est ici que se tramaient la résistance, le sortilège, le piège. Et il y a les symboles des Cathares, oui messieurs, les Cathares ne se trouvaient pas que dans le Midi, ceux du Midi ont été détruits, ceux de la Champagne ont survécu en secret. Et se réunissaient ici, dans ces catacombes de l’hérésie. »

Une découverte mystérieuse

Le colonel Ardenti poursuit ainsi sa démonstration aux éditeurs sceptiques qui se feront cependant prendre au piège de cette énigme historique :
« Alors que je fouillais dans les archives de Provins, il me tombe entre les mains un journal local de l’année 1894. On y raconte que deux dragons, les cavaliers Camille Laforgue de Tours et Edouard Ingolf de Pétersbourg, visitaient quelques jours auparavant la Grange (ndlc : Grange aux Dîmes) avec le gardien,  et ils étaient descendus dans une des salles souterraines, au deuxième étage sous la surface du sol, quand le gardien, pour démontrer qu’il existait d’autres étages sous-jacents, frappa du pied par terre et des échos se firent entendre. Le chroniqueur loue les hardis dragons qui se munissent de lanternes et de cordes, pénètrent dans Dieu sait quelles galeries comme des enfants dans une carrière, en rampant sur les coudes, et se glissent par de mystérieux conduits. Et ils arrivent, dit le journal, dans une grande salle, avec une  belle cheminée, et un puits au milieu. Ils font descendre une corde avec une pierre au bout et découvrent que le puits a une profondeur de onze mètres. Ingolf descend dans le puits et découvre une grande pièce aux murs de pierre, dix mètres sur dix, et d’une hauteur de cinq […]. Ce que les trois hommes font et voient dans cette salle, on l’ignore. »


Ainsi, Ingolf aurait déniché à plus de trente mètres sous terre un étui d’or incrusté de pierres précieuses contenant un des six sceaux secrets révélant le secret des Templiers….
Ouf ! Quel suspens ! Le Colonel n’aura pas l’occasion de transmettre à ses auditeurs intrigués le résultat de ses recherches, car il est retrouvé mort quelques jours plus tard. Casaubon et ses acolytes mènent l’enquête…

Merci à l'auteur et aux éditions Grasset.
 A suivre sur troglonautes.com
 
Lady Trog
photo : Hervé Marchebois
photo : Hervé Marchebois


Rédigé par Renée Frank le Mardi 29 Janvier 2013 à 09:16 | Lu 1110 fois




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