Le millefeuille parisien

Histoires de couches


Qui dit géologie, dit science et discours précis, mots à l’appui certifiés conformes. Lisez un traité de géologie traitant du bassin parisien… et accrochez-vous à une avalanche de maux de tête. Je travaille toujours avec mon tube d’aspirine. Attiré par les strates culturelles, historiques et humaines de notre chère capitale, entre deux reportages, je creuse le sujet. Et parfois entre deux mots, deux livres, je tombe sur des fragments de textes, véritables perles du langage. Je n’ai pas résisté à « Histoire secrète du Paris souterrain » et à l’envie de faire partager mes saines lectures.


Un discours classique, court extrait

« Le  bassin parisien est un bassin sédimentaire couvrant une large partie du centre et du nord de la France, s'étendant de l'Artois (nord) au Massif central (sud) et du massif armoricain (ouest) aux Vosges (est). Il est constitué d'une couverture méso-cénozoïque peu épaisse. Les dépôts sédimentaires sont disposés de manière sub-horizontal et recouvrent un socle hercynien disposé en deux chaînes séparées par un craton  précambrien qui fut rejoué lors de l'orogenèse hercynienne… »
 

La perle du jour

« Où l’on voit par quelles vertus le sous-sol de Paris naquit à la célébrité
La géologie de Paris et le millefeuille ont en commun d’être à la fois quelque chose de très banal et de très subtil. Les amateurs de ce gâteau ne me contrediront pas. Le millefeuille, qui n’est pour les goujats qu’une sorte de contre-plaqué sucré, est pour les gourmands d’une extraordinaire sensualité. Cette alternance de dur et de mou, de lisse et de rugueux, ces feuilletages de pâte croustillante séparés par une crème onctueuse qui vous jaillit dans la main dès que les dents s’en approchent, représentent un des sommets du raffinement. Pourtant à première vue rien ne paraît plus banal que cet empilement. Mais ce qui est stupide dans le sandwich est ici remarquable. Je ne vois rien qui puisse lui être comparé si ce n’est le feuilletage géologique de Paris. On y retrouve la même rigueur dans l’architecture, les mêmes alternances, les mêmes accords, les mêmes subtiles dissonances ? »
 
« Sous le sol de la ville, une énorme masse de craie de 400 mètres d’épaisseur sert de plat ou de présentoir à cette stratification. … Au-dessus d’elle se trouve la grande couche de calcaire, le blanc royal, tellement royal et tellement parisien que les géologues ont donné à cet étage le nom de lutétien. »
 
« Si les possessions de Cadet Roussel vont toujours par trois, les grandes roches de Paris également : l’argile, le calcaire et la pierre à plâtre. Quant aux trois mousquetaires qui semblent aussi aller par trois, chacun sait en réalité qu’ils sont quatre. Les roches de Paris aussi : la quatrième s’appelle marne et caillasse. »
 
« Et les deux doigts de la main combien sont ils ?  Cinq, c’est évident. Comme il est évident que les roches de Paris sont innombrables… Et cette subtilité va très loin car à l’intérieur même de leurs grands lits, les grandes ne restent pas totalement inactives ; Elles se subdivisent, se stratifient. C’est un même thème, argile, calcaire ou pierre à plâtre, mais il est fragmenté, travaillé, repris en variations qui se superposent et s’imbriquent. C’est l’art de la fugue. »

Etonnant, non? On en croquerait, du millefeuille parisien !
Ite missa est...
 

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Rédigé par Patrick Edgard Rosa le Mercredi 21 Juin 2017 à 12:31 | Lu 364 fois