De la littérature souterraine : Maurice Leblanc (1)


Arsène Lupin. Chaque été, pendant les vacances en Bretagne, mon frère et moi dévorions des livres que nos parents nous laissaient choisir à la librairie, place du Martrais, à Paimpol. Il y eut d'abord "Sylvain et Sylvette" ( cf les articles sur Jean-Louis Pesch), puis les Tintin, collectionnés année après année. Et puis, ce fut le temps des polars : Maurice Leblanc, puis Simenon et l'inspecteur Maigret, dont l'odeur âcre des livres de poche hante encore la maison de vacances... Parmi les aventures d'Arsène Lupin, mon préféré était déjà celle de l'énigme de l'aiguille creuse... On naît (ou pas) troglodyte dans l'âme...


La découverte de Beautrelet

Etretat. Les falaises de calcaire, lumineuses de blancheur. Ce paysage sublime est à quelques encablures d'autre paysages de roman, ceux de Flaubert et de Madame Bovary, mais c'est une autre histoire... Le pic émergeant des flots, battu par les vagues, aurait abrité le trésor des rois de France, secret découvert par Arsène Lupin qui en a fait sa caverne d'Ali Baba. Le perspicace Isidore Beautrelet tente de déchiffrer le secret de l'aiguille creuse à travers les rébus secrets cachés au coeur de la côte normande. Extraits:

" Il ne bougea plus. Le soleil s'était couché. La nuit peu à peu se mêlait au jour, estompant la silhouette des choses.
Alors, par menus gestes insensibles, à plat ventre, en glissant, rampant, il s'avança sur une des pointes du promontoire, jusqu'au bout extrême de la falaise. Il y parvint. Du bout de ses mains étendues, il écarta des touffes d'herbe, et sa tête émergea au-dessus de l'abîme.
En face de lui, presque au niveau de la falaise, en pleine mer, se dressait un énorme roc, haut de plus de quatre-vingts mètres, obélisque colossal, d'aplomb sur sa large base de granit que l'on apercevait au ras de l'eau et qui s'effilait ensuite jusqu'au sommet, ainsi que la dent gigantesque d'un monstre marin. Blanc comme la falaise, d'un blanc gris et sale, l'effroyable monolithe était strié de lignes horizontales marquées par du silex, et où l'on voyait le lent travail des siècles accumulant les unes sur les autres les couches calcaires et les couches de galets.
De place en place une fissure, une anfractuosité, et tout de suite, là, un peu de terre, de l'herbe, des feuilles.
Et tout cela puissant, solide, formidable, avec un air de chose indestructible contre quoi l'assaut des vagues et des tempêtes ne pouvait prévaloir. Tout cela, définitif, immanent, grandiose, malgré la grandeur du rempart des falaises qui le dominait, immense malgré l'immensité de l'espace où cela s'érigeait. [...]
L'azur du ciel s'assombrit. Vénus rayonnait d'un éclat merveilleux, puis des étoiles s'allumèrent, timides encore.
Et Beautrelet, soudain, ferma les yeux et serra convulsivement contre son front ses bras repliés. Là-bas - oh! il pensa en mourir de joie, tellement l'émotion fut cruelle qui étreignit son coeur -, là-bas presque en haut de l'Aiguille d'Etretat, en dessous de la pointe extrême autour de laquelle voltigeaient des mouettes, un peu de fumée qui suintait d'une crevasse, ainsi que d'une cheminée invisible, un peu de fumée montait en lentes spirales dans l'air calme du crépuscule."

De la littérature souterraine : Maurice Leblanc (1)

La suite au prochain épisode...

Bon, ça y est , vous êtes accro? Vous voulez connaître la suite? Soit, vous courez vous acheter  "L'Aiguille creuse" à la librairie, soit vous attendez votre prochain article sur la littérature souterraine...
En attendant, je vous conseille une petite balade dans la Vallée de la Seine, où les troglos construits dans le calcaire sont légions.

A bientôt sur troglonautes.com!


Lady Trog
De la littérature souterraine : Maurice Leblanc (1)


Rédigé par Renée Frank le Mardi 20 Novembre 2012 à 04:34 | Lu 324 fois